Étudié dans les années 70, le régime paléo commence à faire parler de lui quand le Dr Boyd Eaten publie l’article « Paléolithique nutrition » en 1985 dans la revue The New England Journal of Medicine. Mais ce n’est que ces 20 dernières années, depuis que le professeur Corden (en science de la santé et de l’exercice) a déposé la marque « The Paléo Diet » en 2002, que nous en entendons vraiment parler.
Ce mouvement prenant de plus en plus d’ampleur, vante le fait que l’homme moderne mangerait des aliments pour lesquels son système digestif n’a pas été conçu. De ce fait, notre alimentation moderne serait la cause de nombreux dysfonctionnements digestifs et métaboliques, ayant des répercussions plus ou moins importantes sur notre santé.
Qu’en est-il vraiment ?
La théorie veut que l’on supprime tous les aliments qui sont entrés dans le mode d’alimentation humaine à partir de la fin du paléolithique (qui s’étend de 3 millions d’années à 10 000 ans avant notre ère). Ce régime consiste à supprimer tous les produits céréaliers (féculents, légumineuses…), la plupart des produits laitiers ainsi que tous les produits transformés.
On va alors privilégier la consommation de produits issus de la chasse (viande, maigre principalement), de la pêche, des fruits et légumes de saison, mais aussi des graisses principalement végétales comme les huiles et oléagineux (sauf celles contenues dans les poissons gras par exemple). De plus, quand on mange Paléo, on mange à sa faim, pas de restrictions au niveau des quantités. Enfin, il faut savoir que ce mouvement ne se limite pas seulement à la nourriture, mais à tout notre mode de vie. De ce fait, on doit introduire une activité physique régulière dans notre quotidien.
Sur le papier, la promesse est plutôt pas mal (revenir à une alimentation naturelle et être plus actifs), mais plusieurs choses me chiffonnent.
A partir du moment où l’on essaye de vendre une méthode, il faut sentir l’embrouille. Or, comme je l’ai dit plus haut, ce « mouvement » est devenu une marque en 2002. Le fait de savoir cela devrait déjà nous inciter à prendre du recul sur ce que les « experts » de ce mouvement ont à nous vendre.
Ensuite, est-il vraiment judicieux de supprimer la grande majorité des aliments céréaliers, apportant des glucides complexes, qui sont une grande source d’énergie ? Clairement, non. La principale raison avancée est que les féculents et autres engendre un déséquilibre glycémique trop important et donc une sécrétion trop importante d’insuline (hormone permettant de stocker le glucose). D’ailleurs selon le Dr Portha directeur de recherche en biologie à l’université Paris-Diderot « le dérapage commence quand, au prétexte de limiter l’hypersécrétion d’insuline, on fait l’impasse sur les sucres assimilés plus lentement comme les lentilles ou les céréales complètes. Cette “chasse aux glucides” est délétère pour l’organisme. »
Le fait de manger à notre faim n’est pas non plus forcément un cadeau que The Paleo Diet nous fait, mais seulement du bon sens. Le régime apportant un grand nombre de fibres (par les légumes principalement qui sont faibles en calories), ces derniers ont pour rôle d’apporter un sentiment de satiété plus précoce. Ils se gonflent dans notre estomac et vont venir gêner l’accès des enzymes digestives aux nutriments, ralentissant ainsi l’absorption. De ce fait, si nous consommons des aliments riches en fibres avec et pauvres en énergie, notre estomac sera rempli bien avant que l’on tombe dans un excès calorique. Mais, il reste les graisses me direz-vous. Et c’est vrai qu’elles sont apportées principalement par les huiles (qui est un aliment transformé soit dit en passant) et les oléagineux, afin de limiter les graisses animales qui sont saturées. Mais le mouvement du régime paléo incite à modérer sa consommation d’huile (ce qui est normal) et les oléagineux sont également riches en protéines et en fibres, ce qui en fait de bons coupe-faim. On ne va donc pas avoir tendance à trop manger. Pour toutes ces raisons, ce mode d’alimentation pourrait in fine, déséquilibrer notre ration quotidienne en engendrant une consommation trop élevée en protéines tout en limitant l’apport de glucides.
Le régime paléo est historiquement, pas vraiment paléo.
Comme je vous l’ai dit, cette période qui s’étend sur des millions d’années a vu passer de nombreuses habitudes alimentaires paléolithiques dépendant du climat, de l’environnement, de la maîtrise de techniques culinaires, de l’environnement dans lequel évoluaient les populations et même si c’est à moindre mesure, des goûts alimentaires. Pourtant, malgré la disparité et la diversité des populations durant le paléolithique, il y a un point commun dans toutes leurs habitudes alimentaires : la recherche de graisse animale et ce, quelque soit la période ou la zone géographique considérée. Les moelles osseuses des grands herbivores chassés étaient relativement convoitées et de nombreux fossiles en témoignent. En limitant donc à tout prix la graisse animale, le régime paléo se révèle finalement pas si paléo que cela.
En résumé, est-ce que le régime paléolithique marche ?
Comme pour la chrono nutrition, je dirai que oui à partir du moment où il est bien appliqué. Forcément, une consommation réduite en graisse réduit le taux de mauvais cholestérol, réduit la masse grasse… mais appliquer ces exigences quotidiennement, c’est une autre histoire. Tenir ces habitudes dans la durée peut même engendrer chez certains, une méfiance systématique envers les aliments « moderne » dans le meilleur des cas ou l’apparition de Troubles du Comportement Alimentaire dans le pire des cas.
De plus, les études sur les bienfaits de cette alimentation sont plus rares que l’on ne pourrait le penser selon le Dr Portha : « les vraies études scientifiques sur les effets du régime paléo sont peu nombreuses, menées sur un faible nombre de patients, et s’accordent rarement sur le message à faire passer ».
Enfin pour le Pr Louis Monnier, nutritionniste à l’université de Montpellier, qui juge "illusoire d’imputer la flambée de maladies liées à notre mode de vie actuel à l’apparition de l’agriculture et d’y chercher des réponses dans notre préhistoire alors que nous ne pouvons nier l’évolution de notre environnement et notre adaptation constante à ce dernier".
À notre tour de ne pas non plus diaboliser ce régime est de prendre le côté positif de cette tendance (il y a de très bons plats paléo que je vous invite à vous faire !). L’essor de cette dernière est lié à l’envie des consommateurs de retourner aux sources de leur alimentation et se « reconnecter » au naturel. Prendre le contrôle de son alimentation consiste à savoir ce que l’on mange et pourquoi nous le mangeons. C’est d’ailleurs, par le biais de mon activité professionnelle et de mes articles, mon objectif principal.
C’est pour cette raison que vous pouvez adhérer ou non à ce régime, mais faites-le de manière éclairée, en vous posant les bonnes questions (saurez-vous le maintenir tout au long de votre vie ?) et non pour suivre la mode du moment.
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